Cet été, une artiste a exposé ses gravures au café du Louvre, à cette occasion nous avons rencontré Hefang Wei.
Une touche à tout du dessin, que ce soit sur du papier, du plastique mais aussi avec des dessins qui bougent tantôt dans le long métrage, le court métrage ou la série télé comme par exemple pour le studio d’animation Folimage.
Elle nous raconte un peu son parcours et son métier qui est aussi sa passion.
Peux-tu m’expliquer ton parcours, car il me semble que tu viens de Chine ?
Je suis née en Chine dans les années 80. Après avoir réussi mes études à l’Institut des Beaux-Arts du Sichuan (à Chongqing, 34 millions d’habitants) en Communication (Bac+4), j’ai rejoint un groupe de passionnés dans un des plus anciens studios d’animation à Beijing (Hu Xiang Dong Hua) comme story-boardeur (travail de mise en scène). Une histoire d’amour m’a dirigé vers la France en 2005.
Je n’ai pas travaillé tout de suite. En attendant j’ai passé un an et demi à Lyon pour mieux comprendre, parler et écrire le Français. Ensuite, je suis partie pour un an de formation à l’Ecole Supérieure d’Arts et Médias de Caen – Cherbourg en Photographie. En 2008, je suis venue à Valence pour deux ans de formation professionnelle en Réalisation de Films d’Animation à La Poudrière. En terminant, j’ai eu mon certificat (niveau 1 – le plus élevé d’Europe). C’est le virage de ma vie professionnelle, depuis 2010, j’ai repris mes activités artistiques. Et là, je bois un verre au Louvre.
La passion du dessin tu l’as depuis quand ? Ça t’es venu comment ?
Depuis l’âge de 4/5 ans, je peignais avec des peintres traditionnels chinois, car ma mère archéologue, a beaucoup d’amis peintres. La peinture traditionnelle ne reproduit pas vraiment la forme des objets, mais est plus dans la description du sentiment et des messages. C’est abstrait. Au collège et au lycée, on faisait beaucoup de croquis anatomique et de la gouache. C’est la méthode Russe A Chongqing, on continuait ces techniques, plus la pratique de l’aquarelle, du design etc.. C’est une éducation carrée dans un style réaliste.
J’ai oublié de mentionner le fameux Manga, dont toute cette génération s’est influencée. Bizarrement, aussi tôt que je suis arrivée en France, je n’ai plus vraiment aimé ce style. J’ai impression qu’on aime plutôt un style «lâché » on dit aussi « maladroit ». C’était compliqué d’abandonner tous ces savoir-faire, d’essayer de « mal » dessiner. Des fois je dessine de la main gauche, pour avoir ce trait tremblant, et mal construit.
Qu’est ce qui te plaît dans le dessin et dans l’animation ?
J’ai beaucoup dessiné, je ne me rappelle plus pourquoi j’aime ça. Il y a plein de techniques différentes, il faut pratiquer tout le temps. Aujourd’hui, on dessine sur une tablette numérique ou une tablette Cintiq. L’apprentissage ne s’arrête jamais. Je suis plus passionnée par l’animation ces dernières années.
Dans l’animation il y a beaucoup de métiers : réalisateur, scénariste, directeur artistique, story-boardeur, animateur, musicien, ingénieur son, monteur, acteur (pour les voix si il y en a) etc.. Le travail de réalisateur c’est de rassembler les savoir-faire de chaque métier. Etre cohérent, être clair et guider l’équipe. Il faut aussi, dans la mesure du possible, construire une bonne ambiance avec l’équipe. L’idéal est quand même de faire un film qui plaît à un maximum de spectateurs. Le réalisateur gère les imprévus et les problèmes. Il est là pour répondre à tout moment, à n’importe quelle question. J’aime ce challenge. C’est un travail excitant, mais avec beaucoup de responsabilités.
Tu touches un peu à tout, peux-tu me rappeler tous les domaines auquel tu touches ? Et tu préfères quoi ?
J’ai travaillé dans l’édition comme graphiste et illustratrice; dans la publicité comme directrice artistique; dans l’enseignement universitaire; dans la photo; dans l’art plastique (peinture à l’huile, aquarelle, gouache, fusain, gravure, etc.) Dans l’animation, je touche un peu à tout sauf à la partie sonore. En arrivant en France, j’ai travaillé comme trieuse de pêche et serveuse dans un bar, ça n’a pas duré longtemps, mais c’était une expérience intéressante. J’aimerais travailler plus dans l’édition (faire des livres illustrés par exemple). Le cinéma en prise de vue réelle m’intéresse également, car la procédure de fabrication est beaucoup plus courte que celle de l’animation, et j’ai très envie de communiquer avec des acteurs en face à face. Je veux raconter des histoires à travers mon point de vue. Ça peut se faire en faisant un livre ou un film. Sinon, j’aimerais être pilote d’avion, ou devenir joueuse de poker professionnelle.
Pourquoi être venue à la cartoucherie et ça fait combien de temps que tu y es ? Projet d’avenir ?
Je suis resté à la Cartoucherie, grâce à mon film « Le banquet de la concubine », ce film a remporté de nombreux prix dans des festivals internationaux, il a également été nominé aux Césars en 2014. Les studios Folimage et Foliascope me proposent souvent des postes intéressant, ainsi que la réalisation d’autres films.
Grâce au soutien de notre région, de plus en plus de studios s’installent à la Cartoucherie (TeamTo, Fargo, Les Films du Nord, etc..) Après Paris, Valence et Angoulême sont les deux villes qui réunissent le plus de studios d’animation en France. Je me suis fait des amis dans ce milieu et j’aimerais dans le futur pourvoir travailler de temps en temps sur Lyon ou Paris. Actuellement, avec Folimage, je prépare un long métrage d’animation «Graine de jujube », adapté d’un conte Chinois.
Peux-tu m’expliquer la méthode pour réaliser tes gravures ?
Il y a beaucoup de techniques différentes pour faire une gravure. Selon les supports (métal, bois, plastique, …) les outils sont variés (pointe sèche, pinceau, …) A l’École supérieure d’art et de design de Valence, Raphaëlle Vermeil nous propose un atelier gravure. J’ai appris à travailler avec du zinc, à l’eau forte et à l’aquatinte. Ce procédé consiste à recouvrir une plaque de métal d’une couche de poudre protectrice plus ou moins dense, puis à la plonger dans un bassin d’acide. Elle permet, grâce à l’utilisation de fines particules de résine (colophane ou bitume) saupoudrées puis chauffées, d’obtenir une surface composée de points plutôt que de traits par lesquels on obtient différentes tonalités de couleur.
Je travaille avec un autre procédé plus simple. J’ai besoin: – D’une plaque plastique plutôt épaisse. Grâce à sa transparence, je peux décalquer mes dessins préparés à l’avance. – D’une pointe sèche, un outil pointu généralement en tungstène dont l’extrémité sert à graver des traits dans le métal ou ma plaque de plastique plus molle. L’outil se manie comme un crayon, et les tailles varient en fonction de la grosseur des pointes. Selon la force et la vitesse d’appui, des creux (pointes ou lignes) plus ou moins profond se dessinent.
D’abord, l’encre se dépose dans les creux, ensuite, l’encre est appliquée en surface d’un papier chiffon humide à l’aide d’une presse. Selon la quantité d’encre, le nettoyage de la plaque, l’humidité du papier, le réglage de la pression sur la presse, la patience ou non, les résultats sont complètement différents. L’inconvénient d’une plaque plastique, c’est qu’elle est très fragile, elle se casse facilement, et elle s’use très vite, je ne peux pas faire trop de tirages. C’est un travail de patience, il ne faut aucune erreur, sinon il faut recommencer. Un tirage peut prendre parfois plusieurs jours ou semaines.
D’où vient cette idée de graver de cette façon ? D’où vient ton inspiration pour les gravures ?
Souvent quand je veux obtenir un certain rendu, je suis obligé de chercher dans les matières et les outils. Je voulais faire un travail de trait précis avec un dessin complexe. Tous ces besoins me dirigent vers un support transparent. Du coup j’ai essayé sur une plaque plastique, j’ai décalqué, je l’ai encrée, je l’ai passée sur la presse, et ça fonctionne. L’inspiration vient de la linogravure, gravure sur bois, notamment l’Ukiyo-e. Mon sujet principal est l’observation de la vie quotidienne; ça peut parler d’un sujet banal ou plus profond.
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